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                                                     PARIS - CELINE

 

 

 

 

     LA MESSE CHEZ GEGENE.

 Sur la Butte, Céline retrouve aussi ses vieux amis : le peintre Gen Paul, dont l'atelier est en contrebas de son domicile, l'acteur Le Vigan qui loge juste à côté, Marcel Aymé, en voisin, avenue Junot, le dessinateur Ralph Soupault... Le dimanche matin, ce petit monde se réunit dans l'atelier de Gen Paul et fait renaître, pour quelques heures, l'esprit frondeur montmartrois.
 Au milieu de ces amis et d'une faune interlope, dans un bric-à-brac indescriptible, on parle de tout et de rien en toute liberté, comme le raconte Pierre Vals, un témoin de l'époque : " Gen Paul - Gégène pour les intimes - recevait des amis en qui il avait confiance [il fallait se méfier de la Gestapo], le dimanche matin dans son atelier au 2 de
l'avenue Junot. Nous appelions ces réunions " la messe chez Gégène ".
 En fait c'était Céline qui prêchait. Et Gen Paul servait la messe. Céline discourait dans son langage si particulier, Gégène approuvait tout en regrettant que Céline tienne le " crachoir ". " Si on enregistrait ce mec, disait Gen Paul, on aurait un bouquin de plus en librairie. "

  Chaque dimanche, Ferdinand demandait qu'il y ait un invité surprise, quelqu'un qui avait vécu une aventure étonnante, en langage célinien " un branque " qui dise des choses vraies, mais aussi des conneries. C'était quelquefois un ouvrier de travail obligatoire en Allemagne, un spécialiste du marché noir, ce marchand de vin qui vendait aux Allemands une affreuse piquette qu'il appelait " pommero" en changeant les étiquettes.
 L'invité le plus pittoresque, ce fut le petit homme qui ressemblait au " Topaze " de Marcel Pagnol qui a réussi à vendre à l'état-major allemand qui manquait de bois de chauffage, cinq hectares de la forêt de Fontainebleau. Il a falsifié le cadastre, fait un piquetage en forêt sur la parcelle avec des pancartes " Propriété privée ". Il s'est fait passer pour le propriétaire après la visite sur place des acheteurs. Il les a traités royalement dans une auberge du " marché noir " des environs, muni d'un confortable chèque en acompte. Il a disparu après nous avoir raconté son exploit et le bois n'a jamais été livré.

  Après ces réunions dominicales, Céline rentrait chez lui rue Girardon. Nous allions, Gen Paul, Zavaroni et Soupault, à la recherche d'un steak-frites, denrée très rare à Montmartre, avant de nous séparer. Gen Paul, imitant Céline, nous demandait de ne pas oublier un " connard " pour le dimanche suivant. "
 Parfois, à défaut de " steak-frites ", les complices se retrouvent Au Rêve, un bistrot du " bas Montmartre ", sis 89, rue Caulaincourt, et qui existe encore aujourd'hui, zinc et ambiance garantis d'époque.
 (David Alliot, Le Paris de Céline, Editions Alexandrines, janvier 2017, p.84).

 

 

 

 

 

 

  PASSAGE CHOISEUL.

 En 1899, le Passage Choiseul voit les parents de Louis-Ferdinand Destouches s'installer au 67 puis au 64. Celui-ci a cinq ans.
 C'est là que se sont implantées les maisons-mères des banques, c'est dans le IIe arrondissement qu'est érigée la Bourse.
  On sourit quand on sait que l'ironie du sort veut qu'à quelques mètres de l'entrée du Passage, se trouve le restaurant " Drouant ". Avant l'attribution de chaque prix Goncourt, les membres du jury s'y réunissent pour annoncer, du perron, le nom du nouveau lauréat.

  Dans Mort à crédit, le Passage Choiseul devient le passage des Bérésinas. " Le type d'humanité qui s'y niche et que décrivait déjà Zola dans Pot-Bouille est composé d'artisans affairés, marchands de pacotille, colporteurs et truqueurs en tout genre, petits commerçants qui tirent le diable par la queue. "
   (Paris-Céline, P. Buisson).

 " Pour parler de notre Passage Choiseul, question du quartier et d'asphyxie : le plus pire que tout, le plus malsain : la plus énorme cloche à gaz de toute la Ville Lumière !... trois cents becs Auer permanents !... l'élevage des mômes par asphyxie !... (D'un château l'autre).

 " Moi, j'ai été élevé au passage Choiseul dans le gaz de 250 becs d'éclairage. Du gaz et des claques, voilà ce que c'était, de mon temps, l'éducation. J'oubliais : du gaz, des claques et des nouilles. Parce que ma mère était dentellière, que les dentelles ça prend les odeurs et que les nouilles n'ont aucune odeur. "
  (Cahiers Céline 2).

 " En haut, notre dernière piaule, celle qui donnait sur le vitrage, à l'air c'est-à-dire, elle fermait par des barreaux, à cause des voleurs et des chats. C'était ma chambre, c'est là aussi que mon père pouvait dessiner quand il revenait des livraisons. " (Mort à crédit).

 

                                                          

 

                                                         

 

 

 

     Devant l'entrée principale, les édiles ont placé une borne informative :

 

 


 
  " Histoire de Paris. Passage Choiseul.
    Prolongement de la rue de Choiseul, le passage Choiseul est ouvert en 1824 par l'architecte Tavernier sur les terrains des banquiers Mallet qui portaient les hôtels de Gesvres, de Ratepon et du contrôle général où se trouvait l'administration de la Loterie.
  L'entrée du passage, rue Saint-Augustin, est un corps de logis de l'hôtel de Gesvres, construit vers 1655 par Lepautre, transformé en maison de jeu célèbre sous la Régence. Au 23 du passage se trouvait durant un siècle la librairie d'Alphonse Lemerre, éditeur des poètes parnassiens. Jacques Offenbach entrait par le 73 dans son théâtre des Bouffes-Parisiens, et l'enfance de Louis-Ferdinand Céline s'écoula au 67 puis au 64. "

 

 

     Le passage est le plus long des passages couverts à Paris avec une longueur de 190 m pour une largeur de 3,7 m. Il consiste en une enfilade d'arcades sur pilastres au niveau du rez-de-chaussée. Le dernier et l'entresol sont occupés en majorité par des boutiques tandis que les premier et second étages sont plutôt résidentiels. Il est couvert d'une verrière ayant été remplacée vers 1907. Celle-ci fait l'objet d'une rénovation-restauration en 2012 par l'architecte Jean Frédéric Grevet et le Cabinet ID-wad avec les deux marquises situées aux extrémités du passage.
  Les lampes à gaz qui éclairaient autrefois le passage ont été remplacées par des arceaux garnis d'ampoules.

  Le passage Choiseul, ainsi que le passage Sainte-Anne, avec leurs façades intérieures et leurs toitures sur rue des immeubles 23 rue Saint-Augustin, 40 rue des Petits-Champs, 6 à 46 rue Dalayrac et 59, 61 rue Sainte-Anne, sont inscrits au titre des monuments historiques par arrêté du 7 juillet 1974.

  Progressivement tombé en désuétude, le passage Choiseul a connu une explosion de sa fréquentation au début des années 1970 quand le couturier Kenzo y ouvrit une boutique branchée. Sa fréquentation qui avait reculé depuis le déménagement du couturier place des Victoires s'est relativement stabilisée depuis lors, mais est tributaire des heures de bureaux, le passage étant peu fréquenté ou fermé en dehors de ces horaires.
  Le théâtre des Bouffes-Parisiens possède sa sortie secondaire dans le passage et contribue depuis son ouverture en 1857 à l'animation du passage.
  Le passage est ouvert du lundi au samedi de 8h à 20h.

 

 

 

 

 

 

    LES BOUFFES-PARISIENS. 

  " On peut dire que j'ai assisté à la fin des chansons. Au début, avant la guerre de 14, chaque fois qu'il entrait une arpette ou une midinette au début du passage, elle commençait à chanter. Elle chantait pendant toute la durée du passage.
  Et puis, après 14, on n'a plus chanté dans le passage. C'est un signe des temps. C'est tout ce qu'on avait comme distraction, la chanson des petits apprentis et des midinettes. " (Interview avec P. Dumayet, Cahiers Céline 2).

 

" Dans ce Paris d'avant-guerre, la chanson est partout : dans les rues, les cafés-concerts et les cabarets. Elle est la référence majeure, le trésor ambulant de la culture populaire. Romances, chansons comiques ou patriotiques, réalistes ou grivoises, elle est, comme la langue française, le signe d'appartenance à une communauté de pensée, de ressenti, de vécu. "
  (Paris-Céline, Patrick Buisson).

 

                                                           

                        Fragson                                                            Valse brune                                                     Aristide Bruant

 

 

 

 

    L'EXPOSITION UNIVERSELLE de 1900.

  C'est la cinquième exposition universelle organisée à Paris après celle de 1855, 1867,1878 et celle de 1889. Elle se veut manifestation emblématique de la Belle Epoque, avec comme thème " Le Bilan du siècle ".
 
    Inaugurée par le président Emile Loubet la veille, elle ouvre ses portes le 15 avril, se termine le 12 novembre et aura accueilli plus de 50 millions de visiteurs.
 
    Répartie sur deux sites :
- 112 hectares du Champ-de-Mars et de la colline de Chaillot, d'une part, à l'esplanade des Invalides et le cours la Reine au niveau de la place de la Concorde, d'autre part, en passant par les rives de la Seine.
- 104 hectares au Bois de Vincennes pour l'expo sur l'agriculture, les maisons ouvrières, les chemins de fer, les concours sportifs.
 Dix fois plus étendue que celle de 1855, elle comporte 136 entrées et accueille 83 000 exposants dont 45 000 étrangers. Elle se veut l'expo du " Progrès en marche ".
 
  Elle va hériter de nombreuses constructions qui sortent de terre :
- la grande Roue de Paris, d'un diamètre de 100 m, installée rue de Suffren.
- la " rue de l'Avenir ", avec le fameux trottoir roulant, le clou de l'exposition.
- le métropolitain, avec la première ligne de métro de Paris (Porte de Vincennes-Porte Maillot) inaugurée le 19 juillet.
- la fontaine lumineuse et l'usage de l'électricité la nuit.
- le globe Céleste.
- de nouvelles gares : gare d'Orsay, de Lyon, des Invalides.
- la projection des films des frères Lumière sur écran géant.
- le Petit et Grand Palais, construits sur l'emplacement de l'ancien Palais de l'Industrie et des Beaux-arts.

     Le petit Louis, bientôt âgé de sept ans sera marqué pour longtemps par ce gigantisme et la diversité des attractions qui s'offrent à lui.

 " [...] nous étions encore bien jeune, mais nous avons gardé le souvenir quand même bien vivace, que c'était une énorme brutalité. [...] Des gens interminables défilant, pilonnant, écrasant l'Exposition, et puis ce trottoir roulant qui grinçait jusqu'à la galerie des machines, pleine, pour la première fois, de métaux en torture, de menaces colossales, de catastrophes en suspens. La vie moderne commençait. "
  (Hommage à Zola, Cahiers Céline 1).

 Avec son père, ils l'ont visité l'Expo du Progrès... Et comment qu'ils l'ont apprécié... Et quel retour au passage !...

 " Papa il racontait les choses avec les quinze-cents détails... des exacts... et des moins valables... Ma mère elle était contente, elle se trouvait récompensée... Pour une fois, Auguste était tout entier à l'honneur... Elle en était bien fière pour lui... Il plastronnait. Il installait devant tout le monde... Des bobards... elle se rendait bien compte... Mais ça faisait partie de l'instruction ... Elle avait pas souffert pour rien... Elle s'était donnée à quelqu'un... A un esprit... C'est le cas de le dire. Les autres pilons, ils demeuraient la gueule ouverte... Ça c'était de l'admiration. "

 " Papa leur en foutait du mirage au fur et à mesure, absolument comme on respire... Y avait magie dans notre boutique... le gaz éteint. Il leur servait à lui tout seul un spectacle mille fois étonnant comme quatre douzaines d'Expositions... Seulement il voulait pas du bec !... Rien que des bougies !... Les petits tôliers nos amis, ils amenaient les leurs de calebombes, du fond de leurs soupentes. Ils sont revenus tous les soirs pour écouter encore papa et toujours ils en redemandaient... " (Mort à crédit).
 

                                          

             Le globe Céleste                                    Lancers de ballons bois de Vincennes                                           La grande  Roue

 

                                         

              Tour Eiffel                                                    Le Métropolitain                                                     Le trottoir roulant

 

 

 

 

 

 

     VAL-DE-GRÂCE.

  En octobre 1914, volontaire pour assurer une liaison risquée dans le secteur de Poelkapelle dans les Flandres, entre le 66e et le 125e régiments d'infanterie, le Maréchal des Logis Destouches est blessé au bras droit.

  Renvoyé à l'arrière, c'est près d'Ypres, après avoir refusé l'amputation que lui proposait le médecin-major que vont débuter ses pérégrinations hospitalières.
   
   Le 29 octobre, un médecin extrait la balle qui s'était logée dans son bras droit. Il reste à l'hôpital d'Hazebrouck tout le mois de novembre.

   En décembre, le cuirassier Destouches est transféré au Val-de-Grâce à Paris. C'est dans la cour de cet hôpital qu'il reçoit, d'un aîné, la médaille militaire qui lui avait été décernée le 24 novembre, avant de recevoir la croix de guerre avec étoile d'argent.
  C'est également au Val-de-Grâce que le convalescent se lie d'amitié avec son voisin de chambre, le sergent Albert Milon, blessé à la poitrine dès les premières hostilités.
 
   Le 27 décembre, Louis-Ferdinand Destouches est transféré dans un hôpital situé boulevard Raspail où il refuse une nouvelle intervention chirurgicale. On l'adresse alors à l'hospice Paul Brousse de Villejuif. Là, il consent à se faire opérer du bras.
 

                                                           

                                      Val-de-Grâce  décembre 1914                                                    1914  Val-de-Grâce

 

 

 

 

 

 

      CLICHY-LA-GARENNE.

  Il s'en est passé des évènements dans la vie de " Louisfé " entre la convalescence rue Marsollier, chez ses parents, après sa dernière opération et son arrivée à Clichy-la-Garenne.

  Un premier mariage à Londres, son expédition africaine au Cameroun, ses baccalauréats, puis ses études de médecine à Rennes, un second mariage, la mission à la fondation Rockefeller en Bretagne et son séjour à Genève à la Société des Nations...
 

                                                

                                     36 rue d'Alsace                                                                        Cabinet rue d'Alsace

 

     En rentrant de Genève, le docteur Destouches s'installe, le 14 novembre 1927, avec Elizabeth Craig dans un trois pièces, au 1er étage du 36 rue d'Alsace. Il ouvre un cabinet de " Médecine Générale, maladie des enfants ". Sa voisine de palier Jeanne Carayon écrit :
 
  " Pourtant, cet appartement-ci trouve le moyen d'offrir de l'imprévu, la salle d'attente n'en paraît pas une. Au-dessus de la baie vitrée, contre la plinthe, une longue caisse d'où sortent des touffes de soucis, artificiels en quelque sorte sans l'être, tant ils savent bien évoquer un jardin.
 
    Peu de meubles : ils n'attirent pas l'attention  qui va toute aux murs, où sont accrochés des masques, des objets comme les " coloniaux " en rapportent d'Afrique. Une statue de bois - africaine aussi sans doute - posée à même le sol, avance une main. " C'est le geste des Dieux : ils font la quête " assure doucement le docteur qui vient d'entrer. " (Jeanne Carayon, Le docteur écrit un roman, Cahiers de l'Herne).

  Son cabinet n'est pas très rémunérateur, grâce à ses nombreux appuis (le docteur Rajchman, le professeur Bernard notamment), Destouches trouve un emploi qui l'amène à abandonner sa clientèle rue d'Alsace. La direction de la médecine d'hygiène populaire propose au Dr Destouches une vacation quotidienne de médecine générale, au tout nouveau dispensaire de Clichy, situé 10 rue Fanny.
 
  Il accepte et fait partie ainsi de l'équipe fondatrice du dispensaire de la ville, jusqu'à son départ le 31 décembre 1937, année de la parution de Bagatelles pour un massacre.

  Contrairement à ce qui a pu être affirmé, Destouches n'était pas le médecin chef de Clichy, même s'il convoita le poste. Dans ce dispensaire travaillait une douzaine de médecins, avec à leur tête, le docteur Grégoire Ichok. Celui-ci fut mal aimé de la plupart des médecins et ses relations avec Destouches iront en se détériorant.
 
    Ce dispensaire est un des premiers à offrir des consultations et examens gratuits. C'est bien là que le docteur Destouches fera la véritable découverte de la misère des banlieues.

  Il y travaillera neuf ans, à compter de vingt-deux heures de consultation par semaine payées 2000 Francs par mois (précise F. Balta dans sa thèse), laissant le souvenir d'un médecin enthousiaste, généreux, de " bon diagnostic " mais utilisant peu de médicaments.
 
   En parallèle avec ses activités au dispensaire, le docteur Destouches va publier des articles dans des revues spécialisées dans l'hygiène et la médecine sociale, au laboratoire de la Biothérapie fondé par le pharmacien Charles Weisbram en 1921 et dirigé par Abraham Alpérine.
  Il sera conseiller médical, rédacteur publicitaire (pour le dentifrice Sanogyl), visiteur médical, à domicile ou à l'hôpital, médecin d'entreprise et touchait mille francs par mois.

  Ne s'arrêtant pas là, le docteur Destouches travaille à partir de 1930 chez un autre pharmacien Gallier, 38 boulevard du Montparnasse. Il y mit au point deux produits pharmaceutiques : la Kidoline, une huile nasale contre le coryza du nourrisson et la Basodowine, un médicament pour lutter contre les règles douloureuses, commercialisé de 1933 à 1971.
 
      Il se livrait lui-même au démarchage, prenant des rendez-vous, allant de ville en ville, montant les étages...
 Robert Gallier le recommanda à son confrère René Arnold, directeur des laboratoires Cantin à Palaiseau. Pour les laboratoires Cantin, le docteur Destouches met au point un comprimé contre la toux, le Nican, à base de serpolet et de coquelicot.
 
     Insomniaque depuis la guerre, il invente aussi le Somnothryl, médicament contre l'insomnie dont il vante les mérites dans " La Revue médicale de l'Est ". A ces nombreuses activités, s'ajoute une consultation au dispensaire Marthe Brandes, tenu par des religieuses dans le XVIIIe arrondissement de Paris. 

 " Régulièrement, quelques visiteurs s'aventurent jusqu'à Clichy et viennent sonner au 36 rue d'Alsace, pour voir à quoi ressemble l'endroit dans lequel le docteur est devenu écrivain.
  Au cœur de cette banlieue parisienne, juste derrière le périphérique, la mémoire de Céline survit malgré l'histoire. Sans doute lui est-on reconnaissant d'avoir métamorphosé ce monde en un symbole que toute la littérature s'est aujourd'hui approprié... " (David Desvérité, BC n° 196). 

 

 

 

 

 

 

   MONTMARTRE.

  Il va falloir quitter Clichy. Au dispensaire, la municipalité communiste et le médecin chef d'origine lituanienne ne goûtent pas les prises de position du médecin Louis-Ferdinand Céline, tout auréolé de gloire qu'il soit, depuis son Renaudot pour le Voyage au bout de la nuit.
 
    Le climat est malsain. A Clichy, près du dispensaire, on se tue. Les ouvriers de l'usine de bougies des quais de Clichy sont en grève, occupent l'usine et l'entreprise refuse d'appliquer les avancées du Front populaire. Le fils du patron qui avait été trésorier de la section locale des Croix de Feu, force les grilles et provoque une fusillade qui fait plusieurs blessés et un mort parmi les ouvriers. C'est dans cette violence ambiante que Céline publie, au retour d'un voyage en URSS, son premier pamphlet anti soviétique : Mea culpa, le 28 décembre 1936.
 
   Et mieux, à quelques jours de la sortie de son délire antisémite Bagatelles pour un massacre, le 28 décembre 1937, il donne sa démission à la municipalité de Clichy.

  Le 11 décembre 1937, Céline quitte définitivement le dispensaire de Clichy. Pour la dernière fois, le 10, il emprunte le chemin qu'il suivait depuis huit ans, pour rejoindre son appartement du 98 rue Lepic à Montmartre qu'il occupait depuis août 1929.
 
    C'est au 98 rue Lepic que le manuscrit du Voyage au bout de la nuit a été achevé, dans un appartement composé de deux pièces, au fond d'une cour, sous les toits.


                                                                 
  

                                        Appartement 98 rue Lepic                                                          Moulin de la Galette
 

 

    Montmartre... Céline y vécut de 1929 à 1944 quasiment. Il y trouve les artistes bohèmes, et la faune demi-mondaine qui tournent autour de la Butte...
 
    Céline a ses habitudes dans les bistrots du coin. Au Pigall's Café, il rédige sa correspondance sur du papier à en-tête. Il fréquente Chez Manière le café-tabac-restaurant, et retrouve chez Janie Pomme, Chez Pomme rue Lepic, le plus célèbre bistrot de la Butte de l'avant-guerre, tous ceux qui comptent à Montmartre. Au Rêve, 95 rue Caulaincourt, se retrouvaient Céline, Marcel Aymé et Gen Paul.
 

                                  

                 Chez Pomme                                                             Au Rêve                                                     L'Européen

  Céline adopte d'autant plus facilement Montmartre que l'adolescent truculent et itinérant était de toute évidence fait pour se faire adopter par cet espace urbain.
  A Montmartre, où l'on vit défiler au début de ce siècle l'avant-garde de l'époque - cubistes, fauves, abstraits, membres de l'école de Paris et leurs défenseurs littéraires -, succède à partir des années trente la Rive gauche : celle-ci devient le quartier d'élection des peintres et des poètes, le lieu privilégié des écrivains et des intellectuels, et va le rester pendant plus de vingt ans.
  La Rive gauche leur offre les divertissements des cafés de Saint-Germain-des-Prés (Deux Magots, Flore, brasserie Lipp), des galeries et des théâtres (Vieux Colombier), leur assure l'activité intense des maisons d'édition (La Nouvelle Revue Française, Grasset et Rieder) et des revues (Voilà, Marianne, La Revue universelle, La Revue critique) concentrées à Saint-Germain-des-Prés ; elle assure même à l'intérieur du quartier Latin, qui regroupe les établissements d'éducation les plus prestigieux (Sorbonne, Ecole normale), la reproduction de la génération suivante, celle qui prendra le relais de ses aînés.

  Alors donc que Montparnasse devient le pôle d'attraction des intellectuels, le milieu bohème montmartrois est constitué par une catégorie professionnelle toute différente. La vie de bohème, dont Pierre Mac Orlan, Roland Dorgelès et Francis Carco ont contribué à forger l'identité précise, y est essentiellement animée par la population des illustrateurs et caricaturistes, des chanteurs et des acteurs de spectacles, dont les habitués du " salon " de Gen Paul constituent un échantillon représentatif. Nicholas Hewitt donne des précisions sur les caractéristiques communes des ces bohèmes montmartrois : ils sont tous des anciens combattants (Céline, Gen Paul, Marcel Aymé, Mac Orlan, Gus Bofa, Roland Dorgelès, Président de l'Association des Ecrivains Anciens Combattants), revenus pacifistes des champs de bataille mais qui n'en restent pas moins cocardiers : " Pour s'être permis une innocente plaisanterie, Pascin fut rossé de belle façon par le graveur Daragnès. Haïssant la guerre, ils en parlaient sans cesse, très fiers du courage qu'ils avaient montré, de l'astuce qui leur avait permis de survivre. " (N.Hewitt, Images of Montmartre in French writing, La Bohème réactionnaire 1920-1960).

  Une tendance politique réactionnaire se forme parmi eux. La bohème de la Butte " comme village essentiellement représentatif d'une France profonde en lutte avec le cosmopolitisme croissant de la Rive gauche ", n'est pas exempte de racisme, voire d'antisémitisme. Le caricaturiste Géo Sim commente le passage du peintre Modigliani de Montmartre à Montparnasse en ces termes : " Un soir de beuverie au Lapin A. Gill, complètement écœuré, il abandonnera la Butte comme la plupart des métèques ; ne cachant point son origine israélite, il s'en ira rejoindre les " Bicots du Montparno ". (Nicholas Hewitt, Le Montmartre de Céline, p.107).
    
                                                                                                           ***

    Elizabeth n'est pas du type farouche, cette magnifique rousse le suit dans les bordels, accepte de coucher avec des inconnus pour satisfaire celui qui se veut " voyeur ".
 
   " Le soir, il l'entraîne dans des soirées où la fantaisie joue aux quilles avec les tabous en compagnie d'une petite bande d'artistes pétulants que la nuit transforme en noceurs éméchés.
  Ils sont des habitués des spectacles de Charles Dullin à l'Atelier, vont applaudir Isadora Duncan aux Folies-Bergère. Mais la taule préférée de Ferdine c'est L'Européen, un ancien café-concert devenu " music-hall " en 1925. Située à deux pas de la place Clichy, la salle accueille tous les genres de spectacles que Céline affectionne particulièrement.
  A l'affiche de l'Européen se succèdent les animateurs de revues comme Fragson, Dearly, Mayol ou encore son ami Max Revol pour lequel il composera deux chansons " Règlement " et " A nœud coulant " et les grands noms de la chanson populaire tels Fréhel, Damia ou le fantaisiste Georgius, l'immortel auteur du " Lycée Papillon " et de " La plus bath des javas " qui mélange avec bonheur la loufoquerie cinoque et la parodie surréaliste. "
   (Paris-Céline, Patrick Buisson). 

  Louis emmène aussi Elizabeth " l'Impératrice " sur la " Malamoa " la péniche d'Henri MAHÉ, où son portrait trône dans le salon. Celui-ci, livre un très beau témoignage en forme de portrait de la danseuse :

   " Elizabeth Craig... Lili... De grands yeux verts cobalt... Un petit nez fin... Une bouche rectangulaire sensuelle... De longs cheveux or roux tombent en boucle sur les épaules... De petits seins fermes et arrogants... Le cul aussi bien haut !... Des jambes de danseuse... A s'en faire un collier...
  (...) Elle ne marche pas, elle glisse, très droite. Sa petite tête fière ne bouge pas. S'écroule la terre !... Elle ne parle pas, elle murmure, alors ses yeux et ses paupières tressaillent. Dans la rue, elle est souvent suivie, accostée. Flegmatique, sans même un regard, elle dit simplement : " C'est cent francs ! " Radical ! "
 
  
 Henri MAHÉ raconte aussi dans La Brinquebale avec Céline, " Qu'elle n'accordait ses faveurs qu'aux vieux amis et aux jeunes amies de Louis, si ça amusait Louis. " Et ça l'amusait souvent.  

    Henri MAHÉ, marié à Rennes en 1927 avec Maguy Malosse est breton comme Louis, il vit un temps à Montmartre, puis achète une péniche en 1928, La Malamoa, qu'il amarre quai de Bourbon. C'est la vie de bohème. Maguy pratique le piano cinq heures par jour, Henri peint et apprend l'accordéon.
  La péniche se déplace à Croissy-sur-Seine en 1929. En septembre, Louis Destouches fait la connaissance de MAHÉ. Le peintre a 22 ans, manie l'argot de Bruant, décore une maison close, le 31 Cité d'Antin. Une carrière de peintre mondain s'offre à lui. On s'amuse bien sur la péniche.

  Céline est devenu l'écrivain le plus courtisé de la République des Lettres. Ses rares interventions dans la presse font sensation comme son " Pour tuer le chômage, tueront-ils les chômeurs ? " publié à l'issue d'un voyage en Allemagne.

 " Notre première rencontre ? De sa voix graillonnante : " L'Art aux chiottes !... les artistes, c'est des révolutions en puissance... (...) Des roses au cimetière, à quoi ça sert ? à la branlette de l'asticot ! (...) Tous les jours nous déjeunions ensemble, soit au claque, avec les filles, soit... au Café de la Paix !... Nous dînions tous les soirs Chez Manière, rue Caulaincourt, avec le précieux Giraudoux... (...) Quand Abel Gance nous rencontrait, il ne manquait jamais de dire : " Tiens ! Voilà Verlaine et Rimbaud ! " Te casse pas la tête, les gens n'entravaient rien à notre délire...
 
    On pouvait prendre comme sujet un petit pois, " C'est un légume bien tendre ", et rouler pendant une heure sur ses propriétés gastronomiques, sensuelles, politiques et philosophiques... l'auditoire n'aurait pu placer un blady mot... souriant à retardement à notre musique abstraite... "
   (Extraits, lettres de Mahé à Eric Mazet).

 Leur amitié allait durer vingt ans. MAHÉ décore de fresques le cinéma Rex en 1932, Le Balajo en 1936, le Moulin Rouge en 1951.

 

                                      

                  Mahé sur La Malamoa                                                      Henri Mahé                                            31 Cité d'Antin

 

   Gen PAUL, un autre formidable personnage, authentique enfant de la Butte, encore plus délirant que Mahé, va pénétrer fortement dans la vie de Céline.
 
    Eugène PAUL
est installé depuis 1929 au 98 rue Lepic, à quelques pas de la place du Tertre. Sa vie présente de nombreux points de convergence avec celle de Louis Destouches. Il a devancé l'appel au 111e régiment de chasseurs, blessé lui aussi au front en 1915, il est amputé de la jambe droite. Ils sont de la même génération, Gen PAUL a vu le jour le 2 juillet 1895 ici même, à deux pas, au 96 de la rue Lepic. La mère de Céline était dentellière, celle d'Eugène, brodeuse.
  Le peintre et l'écrivain partagent le même goût pour les danseuses. La rencontre a eu lieu rue de Douai, au studio de danse Wacker. Ils y passent des après-midi complètes. Assis contre le mur, Louis à admirer l'anatomie des ballerines, Eugène à repérer de futurs modèles... Celui-ci voulait peindre, celui-là masser...

  " Mais où il était plus drôle alors je dis plus drôle du tout, juste le rabâcheur fatiguant, enfin je trouve, c'est quand il se plaignait des mignonnes, qu'elles étaient cruelles avec lui !... qu'elles le boudaient !... excétera !... alors qu'elles raffluaient, pardon !... qu'elles priaient qu'il leur fasse poser ! qu'il en refusait !... et des gratuites !... et de ces chouettes ! de ces roulées ! A la vôtre ! Je veux qu'il avait le goût spécial, plutôt des chétives, des cracheuses, des " à jour des côtes "...
 
    S'il s'occupait des costaudes, des resplendissantes, des belles muscles c'est qu'il me voyait dans les danseuses... ça l'irritait... les belles santés !... mais quand même qu'est ce qu'il se régalait ! et pas des goyots, des beautés fraîches ! et de bonnes familles ! parfaitement nourries...

 (...) Il pouvait me reprocher mes yeux ! mes mains branleuses... Ah le bandit !... des pucelles plein son divan, parfaitement aimables et à poil... et pas des petites gredines morveuses pouilleuses ! Ah pas du tout !... Instruites ! Bonnes manières ! Avec femme de chambre, autos, chevaux !... et en temps de guerre ! Au fou rire des sottises du Jules ! tortillantes ! pâmées ! et de ces tailles longues, souples, nerveuses !... de ces détentes !... j'appréciais n'est-ce pas en médecin !... Des dermes impeccables ! des plans de chair roses ou mats !... ces jeunesses !... Poser pour Jules à 16 ans ! Je crois que tous les lycées y passaient... l'attirance de l'antre... Raspoutin ! Il les punissait ! qu'elles étaient pas sages ! "
   (Féerie pour une autre fois).

  Au milieu d'un amoncellement de chevalets, de bidons, de matelas, de toiles inachevées, de cartons éventrés, de palettes, sous des quantités de clairons, bugles, trompettes accrochés aux murs, se retrouvent ceux du lieu, Marcel Aymé, l'acteur Robert Le Vigan, Henri Mahé, Daragnès le graveur, Ralph Soupault le dessinateur, et les visiteurs du moment, Vlaminck, l'actrice Marie Bell, le comédien Michel Simon, la chanteuse réaliste Damia...

  " Vers 1937-1938, quand il commence à publier les pamphlets, Mea culpa, Bagatelles pour un massacre, L'Ecole des cadavres, il y a messe tous les dimanches et même vêpres si l'assistance en redemande.
  Le médecin de banlieue a viré prophète. Il a lâché le tweed anglais pour une grosse canadienne doublée de peau de mouton. Il arrive en moto, ses gants accrochés autour du cou par une ficelle. Ce n'est plus un atelier mais une grotte. Ça déborde sur le trottoir. A l'affiche, il y a tous les cavaliers de l'Apocalypse : les soviets, les juifs, les francs-macs, les anglishes... tous faux-derches et cie.
  Selon l'un des participants, " il prédisait pour la fin de l'été des catastrophes, des guerres puantes, des coulées d'abcès monstrueux crevant sur le monde. "
  (Paris-Céline, Patrick Buisson).

 

                                

                      Atelier de Gen Paul                                              Au milieu des palettes                                 Le saxophoniste

 

                                           

                        Place du Tertre                                                  Céline par Gen Paul                                           Le Voyage

 

 Marcel AYMÉ habite tout près, rue Paul Féval. Après son service militaire il s'installe dans le 18e arrondissement et ne le quittera plus. Il exerce les métiers les plus divers, employé de banque, agent d'assurance, journaliste, et il ne se découvre aucun espèce de talent.
 
   De santé fragile, touché en 1920 par la grippe espagnole, il collectionne les cures et c'est à l'occasion d'une de celles-ci qu'il commence à écrire. Brûlebois est primé en 1926, La Table-aux-Crevés obtient le Renaudot en 1929.
 
     Il publie dans Gringoire, hebdomadaire de droite, dans Marianne où Emmanuel Berl est rédacteur en chef. Classé à gauche jusqu'au 4 octobre 1935 où il signe le " Manifeste des intellectuels français pour la défense de l'Occident et la paix en Europe " qui soutient Mussolini dans la guerre italo-éthiopienne. C'est avant tout un pacifiste.
 

   Il donne des romans et des nouvelles à des journaux collaborationnistes : Je suis partout, La Gerbe. Mais il ne sera pas placé sur la liste noire des écrivains à la Libération car on ne trouve aucune trace d'engagement politique dans ses écrits. Avec Travelingue et La Carte ou Le Décret (dans Le Passe-muraille), il a même plutôt raillé le régime nazi.
 
    Très affecté par les critiques, quand, en 1949, invité à l'Elysée, on lui propose la Légion d'honneur, Marcel AYMÉ refuse et écrit :

  " Si c'était à refaire, je les mettrais en garde contre l'extrême légèreté avec laquelle ils se jettent à la tête d'un mauvais français comme moi et pendant que j'y serais, une bonne fois, pour n'avoir plus à y revenir, pour ne plus me trouver dans le cas d'avoir à refuser d'aussi désirables faveurs, ce qui me cause nécessairement une grande peine, je les prierais qu'ils voulussent bien, leur Légion d'honneur, se la carrer dans le train, comme aussi leurs plaisirs élyséens. "
  (L'épuration et le délit d'opinion, dans Le Crapouillot, avril 1950).

 

                                   

                    Grand auteur                                                         Le Passe-muraille                                         Entre amis

 

     Immense écrivain, il a été attaqué surtout par ceux qui ne supportaient pas que ses romans décrivent assez crûment la France des années quarante et l'épuration. Celui qui met sur le même pied les collaborateurs monstrueux et les revanchards sinistres, qui décrit avec une exactitude désinvolte le marché noir, les dénonciations, les règlements de comptes (Le Chemin des écoliers, Uranus)...

     Au vrai, ce ne sont pas ses écrits qui lui valurent l'accusation de collaboration, mais la défense de ses amis, Robert Brasillach en 1945, Maurice Bardèche en 1949 et Céline en 1950.

  Le 8 mars 1951, profitant d'une représentation de Clérambard au Danemark, Marcel AYMÉ rendra visite à Céline dans la propriété de Me Mikkelsen à Klarskovgraard.

 
    Après la rue d'Alsace, la rue Marsollier dans le 2e arrondissement, chez sa mère avec Lucette et le dispensaire à Sartrouville Céline s'installe, en mars 1941 sur la Butte au 4 rue Girardon.
  C'est Gen Paul qui a trouvé cet appartement, en face de son atelier au 5ième étage. Le Nord et l'Ouest de Paris du salon, le Moulin de la Galette de la chambre, le Sacré-Cœur de la cuisine, on peut trouver moins pittoresque...

  " Gredin ! vous vous écrieriez !... il nous enfle ! le fripon nous erre !... sa trame ! la trame ! son quiqui oui ! la corde ! et zoust ! son balcon ! il nous fourvoye ! ce local ! au septième étage ! il demeurait là !... l'insolence ! et ils l'ont pas suspendu ?...
  La vue sur tout, sur tout Paris que vous me pardonnerez jamais ! - Le fini traître ! c'est pas la peine ! au jugé ! la preuve finale ! écrabouillante ! une vue pareille ! Il se refusait rien ! Ah là là ! Ils l'ont pas pendu ! "
  (Féerie pour une autre fois).

  Un autre phénomène apparaît sur la Butte en 1934, au 12 de la rue Girardon, l'acteur Robert LE VIGAN. Robert-Charles-Alexandre Coquillaud dit LE VIGAN joue des quantités de petits rôles, interprète Molière et Georges Bernard Shaw, rencontre Julien Duvivier qui le fait jouer dans Les Cinq Gentlemen maudits. Puis il tourne dans La Bandera, les Bas-Fonds et le Quai des brumes qui le rendent célèbre.

  Céline le rencontre après qu'il venait de jouer le Christ dans Golgotha où il s'était fait arracher 8 dents et limer quelques autres pour mieux ressembler au visage de celui-ci. Colette dira, après l'avoir vu jouer que LE VIGAN était un acteur " saisissant, immatériel, sans artifice, quasi céleste. "

  Entre les deux " monstres ", l'amitié s'installe, elle sera scellée avec le chat Bébert acheté à La Samaritaine, offert par LE VIGAN à Céline. Quant à l'écrivain, il lui apportera une postérité qui dépassera le succès du cinéma, avec la figure de " La Vigue " magistralement évoquée dans D'un château l'autre et Nord.

 

                  

                            Golgotha                                               Les disparus de St Agil                                                  La Bandera

 

 

 

 

 

     PARIS , L'OCCUPATION ALLEMANDE.

  Les troupes allemandes occupent maintenant Montmartre. On voit des quantités de " vert-de-gris ", appareils photos en bandoulière, à la recherche de " saucisses " (femmes à boches).
 
  On ne célèbre plus la " messe chez Gégène " le dimanche. L'atelier du peintre n'est plus fréquenté que par des amis sûrs. Céline reçoit du courrier de la part de la Résistance, des boîtes d'allumettes peintes en noir, avec une croix blanche, autant de menaces de cercueil...

  Du cinquième, Céline sait parfaitement ce qui se passe juste à l'étage au-dessous. Il soignera même, un beau jour, un résistant que lui amène Champfleury, torturé par la Gestapo.
 
   La ville de Paris est déclarée ville ouverte et va être occupée, de la débâcle jusqu'au 25 août 1944. La vie quotidienne y est plus difficile mais reste à peu près la même qu'avant la guerre. Les salles de cinéma présentent des films à succès, les salles de spectacle, les cabarets, les restaurants, les théâtres restent ouverts. Le " tout-Paris " fréquente l'hôtel particulier de Sacha Guitry. Le quartier de Montmartre va conserver sa vocation touristique, 200 maisons closes environ fonctionnent.

 " Vainqueurs dans une guerre facile, ayant conquis une capitale sans ruines, les soldats allemands font du Gay Paris un but d'excursion et dès la seconde semaine de juillet 39, prennent le chemin du Lido, du Casino de Paris, des Folies-Bergères, du Concert Mayol, de toutes ces salles, qui par la plume et la cuisse prouvent abondamment que " Paris reste toujours Paris ".

 

                   

                         Gay Paris                                                        Amour et sexe                                                   L'occupation

 

                     

                      Le Moulin Rouge                                              Studio 28                                                            Les queues

 

   Pour les grandes manœuvres galantes, Paris est divisé en trois secteurs : Montmartre, Montparnasse, Champs-Elysées... Lorsque tant de Français ont faim et froid, dans ce cruel hiver 1941, par exemple, certains journaux évoqueront sans dignité ce club où, " les murs, rose et or, enclosent précieusement une atmosphère tiède, où " le rayon du projecteur sent l'orange cependant que le tintement de la glace dans les seaux meuble les brefs silences de l'orchestre... "

  " Tous les jours comme avant-guerre, à l'heure de l'apéritif, Jean d'Esparbès et moi-même retrouvions L.F. Céline, Gen Paul et Le Vigan au Taureau ou au Maquis.
  Le café était tenu par une actrice du cinéma muet, qui avait joué dans La Loupiotte. Le dessinateur Poulbot s'y rendait quelquefois, ainsi que le bougnat Madamour qui habitait 5 rue d'Orchampt. Je connaissais Jean d'Esparbès, un ancien des Corps-Francs, mi anarchiste, mi bonapartiste, un montmartrois cultivé, un poète et surtout un bon peintre. Son " Buveur d'Absinthe " avait fait sa gloire : à peine sec il était vendu.
  Jean était entré au M.L.N. avec moi. Céline ne manquait jamais de lui poser mille questions sur la légende impériale. Gen Paul ne disait rien. Il avait deux passions : peindre et boire. Anarchiste, il détestait les particules. Il ne portait pas de décorations : sa jambe droite amputée suffisait. Le Vigan était l'acteur du trio. Il jouait aux illuminés en racontant sa vie. Toujours survolté, il se faisait remarquer. Avec son amie Tinou, il communiquait par gestes et signes cabalistiques, hermétiques à autrui. Marcel Aymé venait parfois, mais il pouvait rester des heures sans dire un mot. De son voyage en Amérique, il n'avait envoyé aux copains que des cartes postales représentant des cimetières, et il avait tout dit. "
   (Pierre Pétrovitch, Céline à Montmartre sous l'Occupation, La Revue célinienne, 1981).

 

 

 

 

 

 

    MONTMARTRE SOUS LES BOMBES.

  2 heures du matin, le 22 avril 1944, les avions anglais et américains bombardent le nord et le sud-est de Paris. Est visé, le centre de chemins de fer de La Chapelle. La cible est ratée et Montmartre, la Butte sont dévastés : 259 morts avec plus de 200 blessés uniquement pour le 18ième arrondissement.

  Céline ne peut passer à côté d'un tel évènement...

  " En arrière, Lili ! en arrière Trois pas avec elle, arrière !... c'est des confettis qui crépitent ... pas des confettis ordinaires !... le plancher hoque, gode... un avion remonte juste hurlant du gouffre Marcadet... ils rentrent chez eux direction nord !... entre le Sacré-Cœur et le Beffroi... le Beffroi " broum " ! des grandes messes !... des enterrements d'archevêques !... broum !... aujourd'hui on enterre tout le monde ! broum !... deux avions encore jaillissent du fond Caulaincourt !... ils ont lâché une marmite ! deux ! trois... elles éclatent en s'étalant !... en flaque... brrrroum !... vous savez !... en mare de mitraille qui s'étale... "
  " Je lâche pas la rampe, je veux tout voir !... "
- Jamais on retrouver le Sacré-Cœur ! Je prédis ! alors un immeuble comme le nôtre !... briques ! mosaïques !... ascenseur ! où qu'on ira ? même d'une mine à certaine distance on volera aux cieux ! construction d'une époque légère !... même la façon que les avions frisent, frôlent nos gouttières !... tout tremble ! tuiles ! fondations ! assiettes ! alors ? j'ai l'instinct que tout va être englouti ! belle aventure, les catacombes ! et nous fonçons sans un pli ! des fulgurations pareilles dépassent les moyens humains ! n'importe qui reste baba, s'attend au pire... bon ! Lili aussi...mais je lui demande pas... un déluge remue ciel et terre... c'est un spectacle et puis c'est tout... les shrapnels piquent dans les brasiers, éclosent en bleu, en jaune... en rouge...
- Tiens-moi ! elle me demande, tiens-moi ! "
     (Féerie pour une autre fois).

  Bien après la guerre et cet évènement, Céline va utiliser tout son génie pour retracer ces moments dantesques bien dignes de son talent. Le chroniqueur va alors relier ceux-ci à ce qu'il estime la " trahison " de Gen Paul. Le peintre s'était répandu en propos acerbes contre lui, en répétant, qu'après la Libération, il n'avait plus pu vendre une seule toile à cause de son antisémitisme...

  Dans son Féerie pour une autre fois, Céline va représenter Gen Paul en affreux unijambiste, dans son fauteuil à roulettes, au dessus du Moulin de la Galette, en train de devenir le chef d'orchestre diabolique, organisateur de ces déchaînements...

  " ... c'est le Jules, je le jurerais sur la Foi ! c'est le Jules qu'est responsable de tout !... un néfaste comme on en voit peu... artiste carabosse lubrique !... il incante ! il incante, voilà ! il incante sans cannes à présent !... par la force des gestes ! il est placé, vous pensez !... tout au sommet des incendies ! c'est miraculeux qu'il flanche pas, qu'il crève pas enfin sa rampe... chavire pas au brasier autour... tous les bosquets crépitent assez ! vert... rouge... y a du surnaturel dans Jules, la façon qu'il s'équilibre, redresse, surnage, roule et redéroule ! hue ! dia ! pivote ! pirouette !... ce qu'il faisait admirer comme chefs-d'œuvre dans son atelier, ses effets abracadabrants... enfin, d'après ma jugeotte... c'était rien à côté de l'actuel ! de ce qu'il nous faisait voir sur Paris ! la façon qu'il tenait la tempête, qu'il barbouillait le ciel, bleu, vert, jaune ! qu'il faisait éclater les geysers !... où il voulait ! comme il voulait ! à la canne ! au geste !... précipiter les aravions ! les charges qui s'entrecroisaient !... et qu'il faisait sauter les usines !... renverser les églises au ciel !... clochers retournés ! "
   (Féerie pour une autre fois).

 

                                                     

             Sacré Cœur les ruines                                                   Renault bombardé                                           Devant le Sacré Cœur

 

 

 

 

 

 

     MEUDON.

 Le 15 mars 1951, Tixier-Vignancour obtient la mainlevée du mandat d'arrêt lancé contre Céline en 1945. Le 20 avril, le Tribunal militaire amnistie Louis Destouches (et non Louis-Ferdinand Céline).

 Et le 1er juillet 1951, Céline, Lucette et Bébert rentrent en France. Ils seront restés six ans en exil au Danemark et Céline aura fait dix-sept mois de prison.

   Du 1er au 23, le couple Destouches séjourne chez Mr et Mme Pirazzoli, Palais Bellevue, route de Garavan à Menton, visite Albert Paraz en sana à Vence, et passe l'été chez Paul Marteau à Nice.

  En juillet, Céline signe un contrat avec les éditions Gallimard. Il ne veut plus retourner à Montmartre, son appartement est d'ailleurs occupé, depuis les premiers jours de la Libération par le résistant Yves Morandat.
 
  Un moment il sera tenté par Quimper et la Bretagne. Lucette et lui veulent une maison pas chère, où ils pourront loger toute leur ménagerie, assez vaste pour pouvoir continuer à pratiquer la médecine et pour elle, continuer à donner ses cours de danse.
 
    Ils vont trouver un pavillon délabré, au 25 ter Route des Gardes à Meudon, la villa " Maïtou ", dans le département de la Seine-et-Oise. Ils y aménagent avec Bébert en tête, les chats Thomine, Flûte et Mouchette et leur chienne Bessy, beaucoup d'autres viendront rapidement les rejoindre.
 
   La villa " Maïtou " est une bâtisse style Louis-Philippe, vétuste, humide, inhabitée depuis 10 ans, sans chauffage central. Il va s'installer au premier où une pièce attenant au bureau va lui servir de chambre à coucher. Au premier et second étage, c'est le domaine de Lucette qui y donnera ses cours de " danses classiques et de caractère " et où il ne va jamais.
 
   Cette maison a tout de même un grand intérêt : elle domine tout Paris, Courbevoie où il a vu le jour, Puteaux, la Seine, vue aérienne, un " haut balcon pour cracher sur le monde. "

  Céline ne va plus guère sortir de chez lui, entouré de dogues, il est sur ses gardes. Le Parti communiste fait appel à des manifestants pour protester contre sa présence.

  " Quand Henry ALBERT, le maire de Meudon, a compris ce qui se passait, il s'est rendu sur les lieux et a harangué la foule : " Cet homme que vous voulez chasser de chez lui à cause de ses erreurs ou de son mauvais jugement a déjà payé ses actes de sept années d'exil.
  Il est maintenant de retour officiellement amnistié. Il a choisi de résider dans cette ville. Tant que je serai maire il pourra vivre ici s'il le veut. S'il faut la police pour empêcher ce harcèlement, je suis prêt à l'appeler. Si elle ne suffit pas, je ferai appel à la garde nationale. Laissez cet homme en paix. Ils sont partis et ne sont jamais revenus. "
   (Grass Roots Resarch, revue californienne, Recovering Literature, printemps 1985, Stanford LUCE).

 

                     

                              Au-dessus de tout Paris                                                                    Entouré d'animaux

 

       S'il ne quitte pas Meudon, sauf pour aller chez son dentiste, précisera le danseur Serge Perrault, qui l'accompagne, beaucoup d'artistes, de journalistes, de célébrités vont se déplacer et apporter à l'ermite une autorité et une légitimité que d'aucuns croyaient impossible. Le mur du silence sera bel et bien rompu...

  Vont défiler : sa " payse " Léonie Bathiat, l'inoubliable Arletty des Enfants du Paradis, Robert Poulet, Marcel Aymé, Pierre Brasseur, Michel Simon, Paul Chambrillon, Roger Nimier, Pierre Monnier, Pierre Dumayet, Albert Paraz, André Parinaud, Alphonse Boudard... 

  " La grille s'est ouverte. Poulet l'a poussée en même temps que Céline la tirait. Le maître des lieux a fait taire les molosses, en les engueulant, la voix rauque et cassée. Je ne le quitte pas de l'œil une seconde. Je suis en retrait. Je n'existe pas, littéralement. Il n'y en a que pour Poulet. Bien sûr. De grands amis. Ça se voit. Il a souri à Poulet. Il lui a donné la main, à moi aussi, mais comme ça, par hasard. Il doit pourtant se sentir observé. Il s'en fout. Peut-être pas tant que ça. Je ne sais pas. Il n'est pas à prendre avec des pincettes. Il est couvert de peaux crues, sales. Des épaisseurs de blousons et de chandails crasseux, troués, et des écharpes, un foulard, qui pendent, non noués. Va comme je te pousse. Il est courbé en deux. Il est cassé. Il n'a plus que la peau sur la carcasse. Il a dû avoir une terrible charpente, le cuirassier.
  Les molosses me flairent, tournent autour de moi. Les pantalons sont ignobles. Ils tiendraient debout tout seuls à force d'être sales. On pense à un tas de choses. Du cuir. Ils sont jaunes et luisants de crasse. Plus rien dedans. On voit la boucle sur les reins, par-dessous les couches de peaux crues qui flottent par devant. Un clochard. Un berger.

  (...) On était maintenant assis dans des osiers, sur le gravier - ne disons pas la terrasse - derrière la villa. Elle avait meilleure mine de ce côté-ci. Toujours le désordre. Et les molosses. Des cages à oiseaux. Des perchoirs et des séchoirs. Des chats. Du banal. Du mortellement banal. Du cirque, style roulotte. Je ne voyais que l'homme. Il parlait de ses nouilles qui cuisaient. Puis il n'en a plus jamais parlé. Il ne s'est pas levé, non plus, avant qu'on ne parte au bout d'une heure. Il n'a plus rien dû en rester, de ses nouilles. Madame n'était pas là. Elle était je ne sais où. A Paris, sans doute. Mais elle donnait toujours des cours de danse. Ah oui, il parlait aussi du voisin - un voisin fort distant - qu'on ne voyait pas, à travers les feuillages, et qui le persécutait à coups de radio, je crois bien. Il avait la peau du visage luisante, Céline, la peau qui brillait sur le front, aux tempes et aux pommettes (larges, les pommettes), comme une peau trop tendue. Satinée. Une peau de mineur qui est passé à la douche, voilà. Il avait d'ailleurs une tête de mineur, à la Constantin Meunier, une tête de Ch'timi ou de Borain. Un Van Gogh, au fond. Un masque brutal. Des lèvres sans dessin, sans ourlet, sans retroussis. Une bouche taillée à la hache. C'est une peau que j'ai toujours vue aux artérioscléreux.
  " Oh, je vais crever cette fois, ici là, comme un chien ! J'suis fait, mon vieux ! "
  Il disait que la tension l'empêchait de dormir et qu'elle montait quand il écrivait. Les nouilles. Il ne mangeait plus que des nouilles. "
  (Paul Werrie, Ecrits de Paris, juin 1965).



   " Quel théâtre !

   Il était grand.
  Dans son jardin, sur la colline de Meudon, après son retour en 1952, il semblait plus Breton que jamais, à la fois vieux capitaine brisé par les embruns et veuf de ses illusions englouties par la grande Tempête de l'Univers. Empaqueté dans une cape de bure, appuyé, voûté sur une canne quelconque, amaigri, les cheveux toujours coupés " maison ", l'œil très bleu, il accompagnait les amis à mi-chemin, faisant " au-revoir " de la main, le regard perdu vers quelque mélancolie.
   La tristesse pourtant n'était pas son fort.
  Plus que quiconque, il aimait rire, volontiers moqueur et d'abord de lui-même. Dans ses propos les plus sérieux, se glissait toujours une blague, un clin d'œil qui ramenait le discours à son juste ton : celui du climat éminemment relatif des entreprises humaines.

  Parler, mimer une image verbale : grand plaisir pour lui, et pour les visiteurs plus encore. Un après-midi, pour Marcel Aymé  et moi, il improvisa une fête du langage où tout était dit et joué dans le mouvement d'une verve folle. Marcel Aymé, muet comme il lui était habituel, le menton dans la main, et moi de même, comblés tous deux de joyeuse hardiesse et d'invention réjouissante.
   Seule la douleur, fruit du mal de guerre, le rendait parfois silencieux et solitaire, certains visiteurs prenant cette infirmité pour une lubie.
   Mais le reste du temps, quel théâtre ! Dans son propos comme au fond de son œuvre, il restait homme de spectacle. Son souci de fournir au lecteur la matière même du langage réel, d'en transposer le génie spontané, le " rendu émotif ", assure à cet amoureux de la danse, une démarche parallèle à celle du dramaturge. "
  (Paul Chambrillon, Le Brigadier, octobre 1975)
 


    Céline intente un procès aux éditions Julliard qui viennent de publier le Journal d'Ernst Jünger. L'écrivain s'estime diffamé et Ernst Jünger reconnaît lui-même que son éditeur français a effectué une modification de son texte (le nom de " Merlin " est devenu " Céline "...).
  
    Entre mars et mai 52 les éditions Gallimard réimpriment toute l'œuvre de Céline hormis les pamphlets. Féerie pour une autre fois est publié en juin. La critique boude le nouveau roman de Céline et, à de rares exceptions près (Gaëtan Picon, Maurice Nadeau, Roger Nimier, Jean Paulhan et évidemment Albert Paraz), elle demeure muette.

    En janvier 1953, André Parinaud publie la première interview de Céline depuis son retour d'exil. Cette initiative a peu d'impact et Céline achève Normance, la seconde partie de Féerie, publié en juin 1954 et dont le succès reste aussi confidentiel.
 
     La Nouvelle Revue Française édite en cinq livraisons Entretiens avec le Professeur Y, qui ne rallume toujours pas les passions des lecteurs. Voyage est réédité en collection de poche et au " Club du Meilleur Livre ". Cela offre à Céline l'occasion de donner une longue interview, la première d'une très longue série. Finalement, Entretiens avec le Professeur Y paraît chez Gallimard en juin 1955.

   A partir de 1956, les lecteurs de Céline se font plus nombreux, grâce à la diffusion de Voyage en poche et à un reportage publié dans Paris Match présentant l'écrivain en compagnie de Michel Simon et d'Arletty à l'occasion de l'enregistrement d'un disque.
   
     Céline est en train de rédiger D'un château l'autre et de plus en plus de journalistes viennent à Meudon pour l'interviewer. Dans son pavillon, l'écrivain cultive son décor et son personnage.

    D'un château l'autre est édité en 1957 et Céline est l'invité de Lecture pour tous, l'émission télévisée de Pierre Dumayet. L'accueil de ce nouveau roman est favorable. Quelques débats reprennent, opposant les pros et les antis Céline. Il écrit alors Vive l'amnistie, monsieur ! pour faire cesser les polémiques.
   Mort à crédit est publié en édition de poche, avec les fameux blancs.

   A partir de 1959, des universitaires commencent à s'intéresser de près à Céline. Gallimard, en mai, réédite les ballets de l'écrivain sous le titre Ballets sans musique sans personne sans rien, illustrés par Éliane Bonabel. L'équipe d'En français dans le texte enregistre une émission télévisée à Meudon mais les protestations habituelles en font interdire la diffusion.

      En mai 1960 paraît Nord, la suite de D'un château l'autre. Céline travaille sur plusieurs projets, notamment l'adaptation cinématographique de Voyage au bout de la nuit par Claude Autan-Lara et son entrée dans la " Bibliothèque de la Pléiade " pour laquelle il réécrit les passages censurés de l'édition originale de Mort à crédit (il faut noter que l'actuelle édition Folio reprend cette version " remaniée " et aseptisée).

    Céline entame également " Colin-Maillard " qui deviendra Rigodon. Le 30 juin 1961 il a enfin achevé la deuxième version de ce roman.
 
   Le lendemain, le 1er juillet, à 18 heures, Louis-Ferdinand Céline meurt d'une rupture d'anévrisme. Son décès ne sera annoncé par la presse que le 4, après son inhumation au cimetière de Meudon.