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  HOSTEUR C'EST NUL

ANNEE 2018
Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre
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ANNEE 2019
Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre
3  Info 11 13  Info 14 14  Info 16 11  Info 18 9  Info 20 6  Info 22 1  Info 24 8 Info 27 5  Info 29 3  Info 31 9  Info 34 12  Info 37
17  Info 12 27  Info 15 28  Info 17 25  Info 19 23  Info 21 19  Info 23 11  Info 25 22 Info 28 19  Info 30 17  Info 32 14  Info 35 26  Info 38
30  Info 13                     25  Info 26         31  Info 33 28  Info 36    
                                               

 

ANNEE 2020
Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre
9  Info 39 6  Info 41 5  Info 43 3  Info 45 15  Info 48 12  Info 50 08  Info 52 06  Info 54 04  Info 56 02  Info 58 12  Info 61 10  Info 63
23  Info 40 20  Info 42 19  Info 44 16  Info 46 29  Info 49 25  Info 51 23  Info 53 21 Info 55 18  Info 57 15  Info 59 26  Info 62 24  Info 64
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ANNEE 2021
Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre
06  Info 65 03  Info 67 03  Info 69                                    
20  Info 66 17  Info 68 17  Info 70                                    
        31  Info 71                                    
                                               

 

CELINE EN PHRASES

 



LES BATEAUX DE CELINE

 

  La "Belle Poule"

 

Le petit Louis a-t-il vu l'une ou l'autre de ces images d'Epinal qui racontaient le retour des cendres de l'Empereur le 15 déc 1840 à Courbevoie ? La frégate la Belle Poule était venue s'amarrer tout près de la Rampe du Pont, future maison de l'écrivain, avant d'emprunter l'avenue de la Grande-Armée, remonter l'Etoile et atteindre les Invalides.

(Vie de Céline, Vitoux, 1988)

 

 Son père, Fernand Destouches, de retour chez lui, il se mettait à peindre. C'était son passe-temps. Des aquarelles de bateaux à n'en plus finir. Il montait dans la chambre de Louis, tout là-haut, comme sur le pont supérieur d'un navire...

(Vie de Céline, Vitoux 1988).

 

 Les Destouches possédaient pour leur usage personnel - un luxe à l'époque - une petite villa à Ablon sur les bords de la Seine. Là le brave Fernand, coiffé d'une casquette blanche, se livrait dominicalement à la pêche à la ligne et à la navigation à voile.

(L.F.C. tel qu'on ne l'a pas dit, Paul Desanges, 1977).

 

 

Je connaissais tous les modèles

 

 

 

        Au musée de la Marine

 

  Un soir je l'ai aperçu mon père... Il longeait les grilles. Il s'en allait aux commissions... Alors pour pas courir le risque, je restais plutôt dans le Carrousel... Je me planquait entre les statues... Je suis entré une fois au Musée... C'était gratuit à l'époque. Les tableaux, moi je comprenais pas, mais en montant au troisième, j'ai trouvé celui de la Marine. Alors je l'ai plus quitté. J'y allais très régulièrement. J'ai passé là, des semaines entières... Je les connaissais tous les modèles... Je restais seul devant les vitrines... J'oubliais tous les malheurs, les places, les patrons, la tambouille... Je pensais plus qu'aux bateaux... Moi, les voiliers, même en modèles, ça me faisait franchement déconner...
(Mort à crédit, Gallimard, 1990, p.351). 

 

 

Les bateaux-mouches

 

 

 

       Port-Royal-Suresnes et retour...

 

[...] Je vous parle pas à lurelure... bateaux-mouches et patati ! je les découvre pas !... tous les dimanches, dans ma jeunesse, pour ma mine, nous le prenions au Pont-Royal, le ponton le plus proche... cinq sous aller et retour Suresnes... sitôt avril tous les dimanches !... pluie, pas pluie !... chierie de mômes, à l'air !... tous les mômes des quartiers du centre... j'étais pas le seul " papier mâché " !... et les familles !... la cure !... à la cure, ça s'appelait !... Suresnes et retour !... bol d'air !... plein vent ! vingt-cinq centimes !... c'était pas la croisière tranquille... vous entendiez un peu les mères !... " Te fouille pas dans le nez !... Arthur ! Arthur !... respire à fond !... " les mômes le coup du grand air les faisait caracoler partout ! escalader tout !... des machines aux chiottes ! à se fouiller dans le nez, et se tripoter la braguette... ah ! et surtout à l'hélice !... au-dessus de ses gros remous... des tourbillons de bulles ! vous les trouviez là... quinze... vingt... trente... à s'halluciner... et les mères et les pères avec !... et de ces gifles !... les corrections !... ah ! Pierrette !... ah ! Léonce !... on se retrouvait !... hurleries !... larmes !... vlang ! vlaac !... à la mornifle et la cure d'air !... pas cinq sous par personne pour rien !... Ça faisait des bateaux-mouches bruyants... punitifs, éducatifs ! ça respirait dur, claquait tour de bras !... partout !... en avant sur l'ancre... en arrière au-dessus de l'hélice ! bang ! vlang ! " Jeannette !... Léopold !... Denise !... t'as encore fait dans ta culotte !... " qu'ils s'en souviennent de leur dimanche !... mômes " papier mâché ", morveux, désobéissants !... le mal que c'étaient des parents de leur faire profiter du grand air ! qu'ils faisaient exprès de pas respirer !... Pont-Royal-Suresnes et retour !

(D'un château l'autre, Poche, 1968, p. 103).

 

 


Le trois-mâts russe et le charbonnier
(avec son père à Dieppe)

 

 

 Il a proposé lui-même qu'on aille faire un tour vers le port... Il s'y connaissait en navires. Il se souvenait de toute sa jeunesse. Il était expert en manœuvres. On a laissé maman avec ses bardas, on a piqué vers les bassins. Je me souviens bien du trois-mâts russe, le tout blanc. Il a fait cap sur le goulet à la marée de tantôt. Depuis trois jours il bourlinguait au large de Villiers, il labourait dur la houle... il avait de la mousse plein ses focs... Il tenait un cargo terrible en madriers vadrouilleurs, des monticules en pleine pagaye sur tous ses ponts, dans les soutes rien que de la glace, des énormes cubes éblouissants, le dessus d'une rivière qu'il apportait d'Arkangel exprès pour revendre dans les cafés...
Il avait pris dans le mauvais temps une bande énorme et de la misère sur son bord... On est allés le cueillir nous autres avec papa, du petit phare jusqu'à son bassin. L'embrun l'avait tellement drossé que sa grande vergue taillait dans l'eau... Le capitaine, je le vois encore, un énorme poussah, hurler dans son entonnoir, dix fois fort encore comme mon père ! Ses lapins, ils escaladaient les haubans, ils ont grimpé rouler là-haut tous les trémats, la toile, toutes les cornes, les drisses jusque dessous le grand pavillon de Saint-André... On avait cru pendant la nuit qu'il irait s'ouvrir sur les roches. Les sauveteurs voulaient plus sortir, y avait plus de Bon Dieu possible... Six bateaux de pêche étaient perdus. Le " corps marin " même, sur le récif du Trotot il avait rué un coup trop dur, il était barré dans ses chaînes... Ça donnait une idée du temps.
Devant le café " La Mutine " y a eu la manœuvre aux écoutes... sur bouée d'amarres avec une dérive pas dangereuse... Mais la clique était si saoule, celle du hale, qu'elle savait plus rien... Ils ont souqué par le travers... L'étrave est venue buter en face dans le môle des douaniers... La " dame " de la proue, la sculpture superbe s'est embouti les deux nichons... Ce fut une capilotade... Ça en faisait des étincelles... Le beaupré a crevé la vitre... Il s'est engagé dans le bistrot... Le foc a raclé la boutique. Ça piaillait autour en émeute... Ça radinait de tous les côtés. Il a déferlé des jurons... Enfin tout doux... Le beau navire s'est accosté... Il a bordé contre la cale, criblé de filins... Au bout de tous les efforts, la dernière voilure lui est retombée de la misaine... étalée comme un goéland.
L'amarre en poupe a encore un grand coup gémi... La terre embrasse le navire.

 

Le trois-mâts russe

 

Le commis des écritures monte le premier en redingote... La poulie voyage au-dessus avec un bout de madrier... On recommence à se provoquer... C'est le bastringue qui continue... Les débardeurs grouillent sur les drisses... Les panneaux sautent...Voici l'iceberg au détail...

 

Nous retournons au sémaphore, c'est un charbonnier qu'on signale. Par le travers du " Roche Guignol " il arrive en berne. Le pilote autour danse et gicle avec son canot d'une vague sur l'autre. Il se démène... Il est rejeté... enfin il croche dans l'échelle... il escalade... il grimpe au flanc. Depuis Cardiff le rafiot peine, bourre la houle... Il est tabassé bord sur bord dans un mont d'écume et d'embrun... Il rage au courant... Il est déporté vers la digue... Enfin la marée glisse un peu, le requinque, le refoule dans l'estuaire... Il tremble en rentrant, furieux, de toute sa carcasse, les paquets le pourchassent encore. Il grogne, il en râle de toute sa vapeur. Ses agrès piaulent dans la rafale. Sa fumée rabat dans les crêtes, le jusant force contre les jetées.
Les " casquets " au ras d'Emblemeuse on les discerne, c'est le moment... Les petites roches découvrent déjà sur la marée basse... Deux cotres en perte tâtent un passage...
 Mon père enfonce sa casquette... Nous ne rentrerons qu'à la nuit... Trois pêcheurs rallient démâtés... Au fond du chenal leurs voix résonnent... Ils s'interpellent... Ils s'empêtrent dans les avirons...

 

     Le charbonnier

 

Maman, là-bas est inquiète, elle nous attend à la " Petite Souris ", le caboulot des mareyeurs... Elle a pas vendu grand-chose... On ne s'intéresse plus nous autres que dans les voyages au long cours.
(Mort à crédit, Gallimard, 1990, p.135).

 

 

Le "cargo" des Indes
(Départ pour le "Meanwell College", et arrivée à Folkestone...)

 

 

Un terrible râle de chaudière m'a réveillé en sursaut !... Un bateau longeait la rive... Il forçait contre courant... Les " Salvations " de tout à l'heure ils étaient barrés... Les nègres sautaient sur l'estrade... Ils cabriolaient en jaquette... Ils rebondissaient sur la chaussée... Les pans mauves frétillaient derrière, dans la boue et l'acétylène. Les " Ministrels " c'était inscrit sur leur tambour... Ils arrêtaient pas... Roulements... Dégagements... Pirouettes !... Une grande énorme sirène a déchiré tous les échos... Alors la foule s'est figée... On s'est rapprochés du bord, pour voir la manœuvre d'abordage... Je me suis calé dans l'escalier, juste tout près des vagues...
La marmaille des petits canots s'émoustillait dans les remous à la recherche du filin... La chaloupe, la grosse avec au milieu sa bouillotte, l'énorme tout en cuivre, elle roulait comme une toupie... Elle apportait les papiers. Il résistait dur au courant le " cargo " des Indes... Il tenait toujours la rivière dans le milieu du noir... Il voulait pas rapprocher... Avec son œil vert et son rouge... Enfin, il s'est buté quand même, le gros sournois, contre un énorme fagot qui retombait du quai... Et ça craquait comme un tas d'os... Il avait le nez dans le courant, il mugissait dans l'eau dure... Il ravinait dans sa bouée... 

 

Le bateau longeait la rivière...

 

C'était un monstre à l'attache... Il a hurlé un petit coup...

  Il était battu, il est resté là tout seul dans les lourds remous luisants... On est retournés vers le manège, celui des orgues et des montagnes...
(Mort à crédit, Gallimard, 1990, p.245). 

 



PLUS TARD A LONDRES, FACE AUX DOCKS

 

 

 Ah ! je veux ! Ah ! les superbes ! Quelles étraves ! Quels flancs ! Quel prestige ! Ah ! les admirables navires ! Ils sont à quai là deux, trois, quatre, bien sages, géants bord à bord ! Ils tiennent presque toute la nappe, tout Canion Dock de foc en proue, d'amples carrures, à vergues planantes ! de ciel en poupe, d'un bord à l'autre, à profiler, tremblantes au miroir du bassin, d'immenses ramures, beauprés lancés, flèches d'aventure, à raser les toits, loin par-dessus les hangars.
On a été lire les noms en or jaune et rouge aux écus... Le Draggar, le Horodosky... Ah ! le Kong Hamsuns !... Ah ! je l'admire d'emblée. J'extase ! Quel meuble ! Je le touche ! L'ampleur, la force de ce gros flanc ! Rapeux ! Brun crasse, bois et sel !... Mousses d'embrun !... le flanc s'élève... s'élève encore... exaltant ! Courons en proue ! Quel défi ! la proue ! Quelle majesté ! Creusée au motif ! L'énorme barbu couronné domine l'étrave ! Cuirassé ! Tout ! Glaive au poing ! Il ordonne, commande ! aux flots !
C'est lui ! le Kong Hamsuns ! frisé ! bouclé ! barbu ! les yeux verts ! repeint tout frais ! Navire superbe prêt à l'élan ! Larguez ! Larguez ! Pas encore ? Quelle multitude ! Quel labeur ! Plein les passerelles ! et tous les échelons ! grimpent, déboulinent cent... mille... suants... Ça se précipite... grouille de partout... l'afflux docker... à surcharger postes et cuisines... à colporter barils et fûts ! cotons, énormes bobines, par trois, par six !... bonder les soutes... whisky... brandy pour les tropiques... fil de fer pour les antipodes !... J'accroche un quinteux sur une borne... Il me regarde vague... Je le secoue...
- Jovil ? Jovil le Skip !... ?  

 

    Le Kong Hamsuns

 

 On largue qu'au dernier instant, il prend le vent s'en va tous deux !...
C'est pas autre chose les miracles ! Ah ! je suis heureux que près des bateaux, c'est ma nature, j'en veux pas d'autre !
(Le pont de Londres, Folio, 1978, P.392).

 


DEPART POUR L'AFRIQUE
 

 

 

Le 10 mai 1916, un bateau anglais de la British and African Steam Navigation Compagny, le RMS Accra, (l'Amiral Bragueton), leva l’ancre et quitta le port de Liverpool pour rejoindre l’Afrique. A son bord, se trouvait un sous-officier réformé qui avait signé, deux mois auparavant un contrat avec la Compagnie forestière Sangha Oubangui.

 " En Afrique ! que j'ai dit moi. Plus que ça sera loin, mieux ça vaudra ! " C'était un bateau comme les autres de la Compagnie des Corsaires Réunis qui m'a embarqué. Il s'en allait vers les tropiques, avec son fret de cotonnades, d'officiers et de fonctionnaires.
Il était si vieux ce bateau qu'on lui avait enlevé jusqu'à sa plaque de cuivre, sur le pont supérieur, où se trouvait autrefois inscrite l'année de sa naissance ; elle remontait si loin sa naissance qu'elle aurait incité les passagers à la crainte et aussi à la rigolade.
On m'avait donc embarqué là-dessus, pour que j'essaie de me refaire aux colonies. (...) 
Notre navire avait nom : l'Amiral Bragueton. Nous voguions vers l'Afrique, la vraie, la grande ; celle des insondables forêts, des miasmes délétères, des solitudes inviolées, vers les grands tyrans nègres vautrés aux croisements de fleuves qui n'en finissent plus. Pour un paquet de lames " Pilett " j'allais trafiquer avec eux des ivoires longs comme ça, des oiseaux flamboyants, des esclaves mineures. C'était promis. La vie quoi ! Rien de commun avec cette Afrique décortiquée des agences et des monuments, des chemins de fer et des nougats 

 

         RMS Accra
   (L'Amiral Bragueton)

 

 Ah ! non. Nous allions nous la voir dans son jus, la vraie Afrique ! Nous les passagers buissonnants de l'Amiral Bragueton.
(Voyage au bout de la nuit, Poche, 1956, p.114).

 

 

C'est un petit cargo qui l'amena ensuite en vue de Fort-Gono, le Papaoutah. Quand il accosta enfin à Topo, le lieutenant Grappa l'y attendait... Son séjour au Cameroun commençait.

 

 


Une galère pour New York

 

 

 Il est bien rare que la vie revienne à votre chevet, où que vous soyez, autrement que sous la forme d'un sacré tour de cochon. Celui que m'avaient joué ces gens de San Tapeta pouvait compter. N'avaient-ils pas profité de mon état pour me vendre gâteux, tel quel, à l'armement d'une galère ? Une belle galère, ma foi, je l'avoue, haute de bords, bien ramée, couronnée de jolies voiles pourpres, un gaillard tout doré, un bateau tout ce qu'il y avait de capitonné aux endroits pour les officiers, avec en proue, un superbe tableau à l'huile de foie de morue représentant l'Infanta Combitta en costume de polo. Elle patronnait, m'expliqua-t-on par la suite, cette Royauté, de son nom, de ses nichons, et de son honneur royal le navire qui nous emportait. C'était flatteur.
(...) Ce capitaine de l'Infanta Combitta avait eu quelque audace en m'achetant, même à vil prix, à mon curé au moment de lever l'ancre. Il risquait tout son argent dans cette transaction le capitaine. Il aurait pu tout perdre. Il avait spéculé sur l'action bénéfique de l'air de la mer pour me ravigoter. Il méritait sa récompense. Il allait gagner puisque j'allais mieux déjà et je l'en trouvais bien content.

 

        L'Infanta Combitta

 

 

(...) Il s'amusait bien à me voir essayer de me soulever sur ma paillasse malgré la fièvre qui me tenait. Je vomissais. " Bientôt, allons, merdailleux, vous pourrez ramer avec les autres ! " me prédit-il.

 (...) L'Infanta Combitta roula encore pendant des semaines et des semaines à travers les houles atlantiques de mal de mer en accès et puis un beau soir tout s'est calmé autour de nous. Je n'avais plus de délire. Nous mijotions autour de l'ancre.

  Le lendemain au réveil, nous comprîmes en ouvrant les hublots que nous venions d'arriver à destination. C'était un sacré spectacle !
(Voyage au bout de la nuit, Poche, 1956, p.183).

 


RETOUR D'AFRIQUE

 

    Le RMS Tarquah

 

Le 1er mai 1917, le RMS Tarquah de l'Affican Steamship Company entre dans le port de Liverpool, en provenance d'Afrique, avec à son bord Louis Destouches dans un très piètre état. Il a vingt-deux ans et vient de passer un an au Cameroun, protectorat allemand occupé par les Anglais et les Français, au service de la Compagnie forestière Shanga-Oubangui. (F. Gibault, Figaro H.S, 2011, Retour d'Afrique).

 


RETOUR DE RUSSIE SOVIETIQUE

 

 

En 1936, Céline décide de faire un voyage en Russie soviétique, pour dit-il, y dépenser ses droits d'auteur. Il y découvrira les beautés de Leningrad, son musée de l'Ermitage, le théâtre Marinski. De ce voyage naîtra Mea culpa, son premier texte politique, qu'il publiera la même année chez Denoël et Steele. C'est durant le trajet de retour en France à destination du Havre que cette photo a été prise, à bord du Meknès, paquebot de la Compagnie générale transatlantique.
(Le Petit Célinien, jeudi 3 mai 2012).

 

  Le Meknès

 

 

 

Louis-Ferdinand Céline

à bord du Meknès,

1936.

 

LE CHELLA

 

 

" Après la déclaration de guerre de 1939, Louis-Ferdinand Céline « va vivre un épisode bouffon, très célinien. En septembre, il devient médecin maritime pour la compagnie Paquet. Il embarque donc sur le Chella, qui assure la ligne vers le Maroc. Mais dans la nuit du 5 au 6 janvier 1940 devant Gibraltar, le navire éperonne par mégarde un aviso britannique. Il y a vingt-sept morts du côté anglais et le docteur Destouches (vrai nom de Céline) soigne les victimes. Le Chella rallie tant bien que mal Marseille.»
 (François Gibault, dans Lire hors-série n°7).

 Céline est en fait volontaire mais trop vieux pour aller au front et invalide à 75% depuis la Première Guerre mondiale après des faits d’arme qui lui valurent des médailles et la quatrième de couverture en couleur de L’Illustré national. Il devient donc médecin de bord sur le Chella, réquisitionné pour des transports d’armes : « Militaire comme tu me connais, tu ne seras pas surpris de me voir devenu médecin de la marine de guerre et embarqué à bord d’un paquebot armé » écrit-il à un de ses amis, le docteur Camus.
  Il écrit aussi à René Arnold : « Gibraltar 11 janvier [1940] À peine venais-je de vous écrire que nous faisions naufrage devant ce port. Heureusement (si l’on peut dire) sauf, mais ayant expédié au fond 24 vaillants anglais. Collision de détroit ! avec explosion - et blessés partout. Quelle nuit ! Quelle longue nuit ! Nous rejoindrons Marseille plus tard et puis je rechercherai un embarquement. Comme la vie est aléatoire ! ».
  Enfin il précise, toujours professionnel : « Les médicaments font merveille ! après cette nuit dans l’eau que de bronchites guéries, prévenues ! ».
 (Extrait de Chella, Lyautey et Céline, article du site Maîtres du vent, Le Petit Célinien, 28 juillet 2011). 

 

     Le Chella

 

 Le paquebot Chella de la compagnie de navigation Paquet dans un bassin du port de la Joliette.
 (Collection des Archives du musée d’histoire de Marseille).

 (Paquebot en acier de 130 mètres de long, construit aux Forges et chantiers de la Méditerranée à La Seyne en 1933).

 


Saint-Pierre-et-Miquelon 

 

 

15 avril 1938 : Il embarque à Bordeaux pour Saint-Pierre-et-Miquelon où il débarque le 26 avril. Sa présence est attestée à Montréal le 5 mai (lettre à Marie Canavaggia).
Le cargo français Le Celte en provenance de Zeebruge, arrivé deux jours avant à Bordeaux, avait chargé deux cent quarante tonnes de marchandises. Vingt-deux hommes, sous la houlette du Commandant Eneault, composaient l’équipage.
Quatre passagers en supplément s’embarquaient à bord pour la destination directe de Saint-Pierre-et-Miquelon : 1) Monsieur Louis Destouches (docteur en médecine) – 2) Monsieur René Haran (originaire des îles) – 3) Madame Elisa Allain (idem) – 4) Mademoiselle Jeanne Allain… moi-même.
 De jour en jour, on se rapprochait donc du pays sans penser aux risques qui nous attendaient. Mauvaise saison que ce mois d’avril, pour ceux qui naviguent dans le sillage des icebergs descendant du Grand Nord. Mais personne ne parlait de cela à bord. Hélas, par un brouillard épais, une nuit, nous avons eu très froid et cela nous a réveillés. Tout à coup, le bateau s’est penché, puis sans doute un changement de direction nous a fait pivoter. Nous avions évité le pire, en frôlant une de ces masses de glace flottantes, détachée de la banquise.

 

        Le Celte

 

 On peut dire, sans jeu de mot, que ça donne le frisson des glaces.
 (Mon voyage avec Céline - Mme Jeanne Allain-Poirier se souvient de la traversée qu’elle fit à l’âge de dix ans, en compagnie de Céline).

 (BC n°145, octobre 1994).
 

 


Sur le paquebot de légende 

 

         Le Normandie

 

Le 18 mai 1938 : Céline part de New York, s’embarque sur le Normandie, pour arriver au Havre le 23.

 

23 mai 1938 : Il arrive au Havre où il rédige L’Ecole des cadavres. 

 


A TREVIGNON...

 

 

 " A Trévignon, relire, face au môle griffé de goélands, Le Pont de Londres, et notamment la description superbe du port de la Tamise. Sloops, barques, cargos, voiliers, et tous les marins du monde ! Et toutes les marchandises ! Ah, les errances humaines ! Cette prose célinienne, que jazz ! ça danse, ça trépigne, ça tempête, ça claque, ça chavire... La mer.

Celte errant, maudit, rageur, et, à la fin, quand les marées seront loin et les ports, et les matelots, et les caboulots. Celte radoteur sur les bords... L'opprobre qu'il aura sans doute cherché aura eu raison de son bon sens rassis. Finie la rigolade ! L'ordure elle-même fadasse ! Reste la souffrance pleine, plénière, océanique. Les bateaux ne partent plus. On n'embarque plus rien, même pas un quart d'espérance. Personne sur le pont, même pas une danseuse. Plus rien.

 

 

 

            Trévignon

 

 

 

          Xavier Grall

 

 

 

 

L'humanité n'a plus rien. Ni havre ni ancre de miséricorde. On ne rêve plus, quoi ! C'est la terre, Meudon maudit. Autant s'enterrer sous le saule, ad vitam aeternam.
" La mer est méchante et glaciale ", gémit-il en sa lugubre relégation de Klaskovgard, ce toponyme que l'on dirait fait pour lui. Et sa misère.
Non, Céline ! A Trévignon, elle est encore tiède et bonne. Féerique pour cette fois-ci encore... "
(Xavier Grall, Le Monde, 3-4 oct.1976, dans le Petit Célinien, 8 déc.2011). 

 

 


" Avec vergues, voiles, nuages, tempêtes ! "

 

 

 Alors faut l'avouer quelque chose ! les navires à travers les âges... vraiment du grisant comme choix... de tous les siècles et pavillons... des draggars jusqu'aux longs-courriers, clippers, paquebots mixtes et frégates, galions et corvettes... tous les bourreurs de l'océan par tous les temps et parages... plats bleu d'azur, mers de plomb, ouragans d'écumes !... C'était tentant comme emplette, autre chose que les courses étoupe... le réassortiment des fontes... Ah ! j'en aurais pris des navires, une collection, un vrai choix, j'en aurais mis plein les murs, plein l'escalier du colonel, plein notre chambre avec Sosthène, un caprice une rage tout d'un coup, deux trois beaux trois-mâts par exemple, et puis cinq six mixtes à vapeur ?...

 

 

 

« Chiche ! qu'elle me défie la gosse.

- Chiche alors ! go ! la douzaine ! »

Et les plus beaux en couleurs, et puis encore douze ! avec vergues, voiles, nuages, tempêtes !

 

 perroquets tendus ! les vents d'ouragan plein les drisses ! je lésine en rien. Je m'en colle pour quarante-sept livres ! Lorgnon il en louche quand même quand je lui allonge quarante-sept fafs... Il m'avait jamais rien vendu... Ça me faisait un très fort rouleau en plus de ma quincaille mes fontes... Et que c'était moi le colletineur !... enfin je m'étais passé l'envie... Il était plus temps de se dédire... Bien sûr c'était peu raisonnable... encore sur le pèze au colon ! Y avait plus de limites !... j'y ai fait bien remarquer à la petite... qu'elle était fautive comme moi... qu'elle m'avait dit chiche... ça y était égal inconsciente... c'est des histoires qu'elle voulait... que je commente encore les batailles, les autres tableaux du magasin.
(Guignol's band II, Pléiade, p.453. In Le Petit Célinien, jeudi 18 septembre 2014).

 

 


Goélettes et Virginia.

 

 

 Les bateaux, les bateaux à voiles lui paraissent affranchis de la pesanteur. Comme les danseuses. Mieux que les danseuses. Comme les animaux, comme les chats. Mieux que les chats… Dans leur perfection, ils atteignent à l’inhumain, si tant est que le propre de l’humain, c’est la lourdeur, la terrible pesanteur…
« L’homme est lourd », ne cessera de répéter Céline. Il se pourrait que tout son art poétique ne consistât en dernière analyse qu’à échapper à cette pesanteur, qu’à faire voltiger les phrases – en musique, en ondes…
 Et de même que l’homme n’a de cesse de tout rabattre à sa commune mesure, au poids accablant de ses digestions, de ses intérêts et de ses rancœurs, de même les bateaux se voient-ils ligotés à leur tour, maintenus à quai comme par l’effet d’une jalousie ou d’une vengeance médiocre.
 " Le plus tragique c’est les filins qui retiennent le navire par les bouts, gros comme il est, énorme en panse, il est léger, il s’envolerait, c’est un oiseau. Malgré les myrions de camelotes dans son ventre en bois, comble à en crever, le vent qui lui chante dans les humes l’emporterait par la ramure, même ainsi tout sec… sans toile, il partirait, si les hommes s’acharnaient pas, le retenaient pas par cent mille cordes souqués à rougir, il sortirait tout nu des docks par les hauteurs, il irait se promener dans les nuages, il s’élèverait au plus haut du ciel, vive harpe aux océans d’azur, ça serait comme ça le coup d’essor, ça serait l’esprit du voyage, tout indécent, y aurait plus qu’à fermer les yeux, on serait emporté pour longtemps, on serait parti dans les espaces de la magie, du sans-souci, passager des rêves du monde ! " (GB 2, p.672). 

 

 

 

(…) C’est pas autre chose les miracles ! Ah ! je suis heureux que près des bateaux, c’est ma nature, j’en veux pas d’autres !

 Lorsque Céline comparait autrefois les femmes à des navires, ses images n'étaient pas seulement piquantes. On mesure désormais leur nécessité. Tout vient ici les recouper, les approfondir. Il parle de Virginia exactement comme il parlait des goélettes...

 

C’est Virginia la plus gracieuse, sans aucun doute… une enchanteresse… Elle pèse rien dans la musique… Tout le monde l’admire… elle est exquise … c’est l’esprit du tourbillon… l’essor l’emporte c’est un rêve… aux flonflons… vire, glisse, câline… s’envole un deux trois la valse… poupée…
(Frédéric Vitoux, Céline, Les dossiers Belfond, 1987).

 

 


AUX SOUVENIRS...
les péniches... la Malamoa... Mahé... Elizabeth...

 

 

 Ma nénette trotte, je suis aux souvenirs... Quels souvenirs ! J'en ai connu des arches, des vraies, des arches à copines et copains... des vraies flottantes sur des vrais flots, sur les remous des boucles... Bougival... Suresnes... la Râpée... Dieu ! quelle vie on fait là-dedans ! Brouillards... la jeunesse... quelles péniches... Mahé sur la Malamoa... le chat Banais, Tayard Eliane... l'eau qui ondoye... volte, chuchote au ras du piano, virevolte... l'écho qui s'emporte... les notes... le pont... le soir... Notre-Dame... notre bon colonel Camus à l'accordéon ... l'Abeille qui nous hâle... les cloches encore... Bougival... Rueil entre les peupliers... le tram à quincaille, le 14... les brumes encore...

 

   Mahé sur la Malamoa

 

 le temps parti... Elizabeth... Roger la complainte... les branleuses, les obscènes à sous, leur cul pour une thune... les quais gluants de foutre... les cris de violés pédés... les flics, leur chien qu'accourt aboyeur...
(Maudits soupirs pour une autre fois, 1985).

 

Autres trois-mâts... féminins

 

 

 Margaret SEVERN. Danseuse.
" Tu vas voir ce Trois mâts mon ami ! Le vrai de vrai ! Elle parle à peine le français, mais elle est infiniment sensible, on lui parle par brises et zéphyrs, mais tu verras ce derrière et ces cuisses mon ami. Il y a de quoi juter pour vingt ans...
(Carte postale à Henri Mahé, 13 janvier 1931).

 Drena BEACH.
Américaine, actrice et danseuse, vedette au Marigny. Elle aurait été à Chicago la maîtresse d'Al Capone. En juillet 1931, à Pau, il va avec elle au bordel : " Nous fûmes au bordel (mais ceci secret) et avec quel trois-mâts mes empereurs ! Je me suis tellement agité que j'en ai un furoncle qui me bouffe la cuisse. "
(Carte postale à Henri Mahé, Pau,10 août 1931).

 Mona DOLL. Danseuse. " Quant au trois-mâts gracieusement escorteur, c'est la Mona de New York, mélancolique beauté qui, au Casino de Paris, exécute en frac pailleté, chapeautée huit-reflets, la danse de la canne. "
(Ibid).

 Sans compter " Ma Jonque ", une Chinoise ramenée de Londres, Muscha, un mannequin russe...
(Joseph Vebret, Céline L'Infréquentable, Jean Picollec, mai 2011, p. 138). 

 

 


 TOUT QU'IL EMMENAIT...
 

 

     Le remorqueur

 

 " De loin, le remorqueur a sifflé ; son appel a passé le pont, encore une arche, une autre, l'écluse, un autre pont, loin, plus loin... Il appelait vers lui toutes les péniches du fleuve toutes, et la ville entière, et le ciel et la campagne et nous, tout qu'il emmenait, la Seine aussi, tout, qu'on n'en parle plus ".
   (Fin du Voyage).

 

 

Et qu'on n'en parle plus...